Il marche seul, sans but, sans s'arrêter, sans certitude. Il marche dans la ville, traînant une valise. Et parle de la société libérale qui fait des hommes des clochards ou des fous. Des vendeurs de téléphones aussi, des croyances meurtrières, des superhéros américains et de la machine à vapeur... Dans la défroque d'un homme usé par la vie, Pascal Laurent explose de colère, de peur et d'indignation. Avec un brin d'humour et une logique implacable : "Quand on plante un clou, on le plante pour l'humanité." A suivre.
Thierry Voisin.
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Entre scandale et théâtre d’intervention
Il y a des gens qui écrivent des livres, d'autres qui réalisent des films, Pascal Laurent parle.
Il parle avec causticité de notre société marchande.
Cette société accepte vaguement la présence d'un fou - il suffit de détourner le regard - mais rejette violemment l’homme sain et lucide, qui critique et dénonce, à haute voix, au milieu de la foule, dans une file pendant l’attente aux caisses ou lors d'un contrôle de police.
Le quotidien est au cœur du texte : publicité, rendement, profit, petites embrouilles…
Dans les emportements d’un personnage outré, Pascal Laurent met en cause la légitimité de la publicité, les jeux vidéo et la violence enseignée, le trafic institutionnel des forfaits de téléphone, le manque de personnel aux caisses et les profits engendrés, la peur de témoigner, le refus de voir ou d’entendre… et toujours, il cherche le rouage social et politique qui provoque ces attitudes, mettant en lumière les petites mesquineries crapuleuses et les petits égoïsmes quotidiens qui engendrent de grands problèmes de société.
Il remet en question l’attitude muette, neutre, parfois servile voire collaboratrice de chacun de ses auditeurs.
La présence du comédien, dépouillé de son statut de "spectacle", perturbe le spectateur tant qu'il n'a pas perçu la réalité de cette présence.
Ainsi, lors des représentations de vitupErrance au festival Vivacité de Sotteville les Rouen en 2012, la police municipale interrompt le spectacle en rentrant dans le cercle que Pascal Laurent avait créé et en lui intimant l'ordre de partir.
"Non, t'es pas un spectacle, ... t'es un imposteur"
lui dit le pandore, saisissant sa valise, seul accessoire du spectacle, et montrant qu'il n'avait même pas lu le programme du festival dont il était censé protéger le bon déroulement.
Ainsi le théâtre invisible, au bord du scandale, qui s'appuie sur la prise de parole d'un inconnu en espace public, révèle l'intolérance de notre société, à travers la réaction de ces trois employés municipaux.
(voir la vidéo)