A propos

Nos intentions

La compagnie d’arts urbains Friches Théâtre Urbain, est profondément attachée à la fonction sociale de l’art et crée des projets de grand voisinage privilégiant la participation. Ces projets relationnels et ces créations in-situ impliquent l’usage du théâtre ou de la performance. Ce sont ainsi des actions « domestiques performatives » de jardinage, de cuisine, de dégustation de thé, avec des créations de lieux de rencontres, des installations de salons de coin de rue, des camionnettes-snacks, une caravane ou un studio-photo éphémère. C’est aussi un potager sur une friche urbaine, au sein d’un lotissement pavillonnaire, là où les espaces publics propices à la rencontre ou à la convivialité sont rares.

Des fragments de conversation participent aux créations dont ils sont la source. Ils contribuent à des œuvres sonores qui reflètent le quartier. Nos échanges de voisinage invitent à une participation active à la performance, au jardinage, à la fabrication ou à la marche collective. Ce sont des interventions sur le tissu urbain qui redéfinissent l’usage démocratique de l’espace public à travers des modes de cohabitation insolites ou inattendus. Les performances sont intégrées dans des événements performatifs durables au sein de projets à l’évolution lente. C’est dans un langage domestique que nous tentons de répondre aux commandes de poétisation ou de réappropriation d’espaces et de contextes désaffectés, recouverts de souvenirs d’événements difficiles passés ou fracturés par des chantiers de construction. Au sein de ces projets apparemment structurés avec désinvolture, des problèmes sociaux complexes au sein des quartiers, sont abordés.

Nos projets se déroulent généralement dans l’espace public. Même pour les projets de spectacles destinés à une salle, nous commençons par nous immerger dans un quartier. Marcher, regarder et discuter avec les gens que nous rencontrons dans la rue est au cœur de notre démarche.

La longue tradition française du discours théorique et politique, qui positionne idéologiquement l’espace public comme un forum clé du débat sociétal (occupation, action, dérive, manifestation, émeute, festival), a conduit à notre engagement pour l’espace public comme zone fertile pour les expressions de la citoyenneté.

Dans nos projets d’art participatif, nous collaborons avec des artistes, des architectes, des paysagistes, des jardiniers, des scientifiques et des militants communautaires, et nous travaillons fréquemment sur des paysages ou des friches situés dans les non-lieux marginaux : les tiers-paysages de la ville.

 

Un peu d’histoire

Créé par Pascal Laurent en 1989, Friches Théâtre Urbain a fait la tournée des festivals en Europe, au Royaume-Uni et dans le monde avec des spectacles déambulatoires de théâtre de rue à grande échelle, et ce n’est qu’en 2007 que notre travail s’est radicalement transformé en projets de grand voisinage et à long terme dans les quartiers de banlieue, avec la participation comme objectif central. Notre mouvement esthétique vers l’art relationnel sur les sites publics urbains, a été poussé et pérennisé par ce glissement culturel vers la participation, la célébration du local, une promesse implicite d’espace public partagé et une vision commune du potentiel de l’art comme levier de changement social.

Pour Friches TU, les critères ont toujours été l’art libre et accessible pour tous, « l’élargissement des publics » en vertu de l’endroit et du moment où nous jouons, l’expérimentation de la forme, une réponse émotionnelle à l’espace, avec le mouvement et l’imagerie visuelle comme langages primaires de communication et de contact direct avec le public, dont la présence est la clé de notre dramaturgie. Nos premières productions déambulatoires étaient visuellement flamboyantes, très théâtrales et adaptées au site pour chaque ville, intégrant des scènes chorégraphiées dans les rues, s’appuyant sur l’atmosphère des ruelles ou des berges d’une rivière. Les mythes et tragédies classiques étaient interprétés par des acteurs sur échasses et des acrobates, avec des drapeaux, des bannières, des marionnettes de grande taille, des pièces pyrotechniques et de la musique diffusée par des chars motorisés. Nous avons développé une pratique sophistiquée des échasses poussant la qualité du mouvement à la limite, Pascal Laurent devenant une référence dans l’enseignement et la fabrication d’échasses pour la profession. Les échasses étaient une plate-forme : en tant que « masque complet » du corps, elles agrandissaient et élargissaient les émotions et les intentions des acteurs, accentuaient le drame et la physicalité, permettaient à un large public de voir et de suivre un théâtre qui les traversait et les conduisait à travers une ville.

Notre évolution a été entrelacée avec la politique de la rue. Au départ, nous répétions dans des parcs, des parkings ou des gymnases occasionnels empruntés, stockant nos volumineux décors dans des caves ou des garages humides. En 1994, nous avons rejoint un squat ouvert par Droit au Logement (DAL), dans cette occupation très médiatisée où 126 personnes furent relogées dans une école catholique   privée vide depuis longtemps et destinée à une opération immobilière, rue du Dragon à St-Germain-des-Près. Chaque semaine avec le DAL et « Droits Devant », nous organisions des performances militantes devant l’église St-Germain-des Près, faisant pression sur le gouvernement pour qu’il « légalise ou reloge » et nous organisions des ateliers de théâtre pour les familles. D’une durée d’un an, l’occupation est soutenue par l’Abbé Pierre, Monseigneur Gaillot, les professeurs Léon Schwartzenberg et Albert Jacquard qui, avec d’autres intellectuels, syndicalistes et artistes, créent l’Université des exclus, dirigeant des groupes de travail et des séminaires publics pour les sans-abri et les chômeurs, dans les salles de classe abandonnées. Avec la fermeture de ce squat du DAL, nos tournées internationales se sont intensifiées et en 1999, nous avons installé la compagnie dans une ancienne usine de carrelage industriel rue de Tocqueville, dans le 17ème arrondissement de Paris. Nous avons ainsi ouvert un lieu de résidence de création artistique, l’Avant Rue (avant la rue) que nous avons dirigé pendant quinze ans, parallèlement aux tournées.
En 2014, faute de financement adéquat, ce lieu de création destiné aux arts de la rue et du cirque a dû fermer définitivement ses portes.